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La dernière année a été des plus éprouvantes pour les recruteurs amateurs de la LNH

PUBLICATION
Zacharie Gingras-Tourangeau
12 juillet 2021  (18h51)
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Comme bien des aspects de la vie, le travail des recruteurs amateurs de la LNH a été grandement complexifié par les mesures visant à limiter la propagation du virus Covid-19. Dans les derniers mois, ceux-ci ont été obligés de changer leur train de vie habituel de fond en comble, alors qu'au lieu d'être constamment sur la route, ils sont majoritairement restés cloitrés chez eux, à regarder des matchs sur un écran.

Ainsi, comme nous vous l'expliquions dans un précédent texte, l'interdiction des vols internationaux et des déplacements entre certaines provinces a eu un impact énorme sur la précision des rapports des recruteurs. Trois recruteurs ont par ailleurs accepté de parler de cette expérience à l'équipe de RDS, et il est évident que ce défi a été déstabilisant pour eux.

« À l'automne, c'était vraiment tough mentalement. À un point que je me suis organisé pour aller aider un ami à son travail sur l'heure du lunch. Je n'étais pu capable d'être à la maison », a admis le premier des dépisteurs.

« Disons, un mardi après-midi en novembre, tu dois regarder Acadie-Bathurst contre Charlottetown, mais tabarnouche, tu n'es pas dans l'action, tu manques des affaires, l'image n'est pas assez bonne, tu vois mal le jeu. Tu as beau te donner une structure de travail à la maison, ça reste que de regarder un match en vidéo, un autre en vidéo et un autre en vidéo, ça ne marche pas un moment donné. Ton mental n'est pas à son meilleur ».

Un avis qui est partagé par ses confrères.

« Ç'a été difficile du côté psychologique. On est habitué d'être sur la route tout le temps, de voir des gens et d'interagir avec du monde puis là, on était embarré dans notre maison pour des mois. Disons que ce n'était pas évident sur le moral », a reconnu le deuxième recruteur.

Le troisième recruteur sondé, maintenant, affirme lui avoir sauté sur l'occasion, dès qu'il a pu sortir de chez lui pour aller voir un match en personne.

« C'est sûr, il fallait que je sorte. Ce n'est pas pour rien que j'ai levé ma main assez vite pour aller voir des matchs dans l'Ouest canadien quand l'occasion s'est présentée », a noté ce dernier.

Des images qui peuvent être trompeuses en vidéo

Un autre point sur lequel s'entendent les trois professionnels sondés, c'est le fait que la qualité de l'évaluation en vidéo est très loin de celle qui peut être réalisée en regardant des matchs de ses propres yeux. Évidemment, la caméra étant braquée sur un point en particulier, il est facile de manquer certains détails.

« T'as moins de réponses sur les vidéos surtout pour les défenseurs défensifs ou le gars passif qui a de bonnes mains et qu'on voit moins souvent. Mais celui qui impose la pression et qui n'a pas un grand talent, il est toujours dans le cr... d'écran même s'il ne jouera jamais LNH », a exposé, sans filtre, un recruteur.

« Tout le monde s'est équipé avec des compagnies qui nous fournissent toutes les vidéos de toutes les équipes qu'on veut voir au monde. On pouvait voir du hockey en masse et même trop, parce que c'est trompeur la vidéo. Une chance que j'ai pu décoller sur la route pendant deux mois vers la fin », a raconté une source d'une équipe de l'association Est de la LNH.

Les recruteurs ayant pu se déplacer en fin de saison ont donc conséquemment eu la chance de raffiner leurs rapports sur certains espoirs.

« Il y a des gars que j'aimais passablement sur vidéo, sauf que je les aimais beaucoup moins en personne et l'inverse s'est aussi produit. J'en suis venu à me demander "Est-ce que mon opinion aurait été différente si je ne l'avais pas vu dans un aréna?" Et là, tu penses aux joueurs que tu n'as pas eu la chance de voir sur place, parce que c'est arrivé cette année avec le contexte des bulles », a témoigné cet intervenant.

Serait-il ainsi possible que certains jeunes aient été surestimés ou encore sous-estimés en les regardant jouer dans un écran? Certainement, et ce fait est troublant pour certains recruteurs, qui en sont venus à se demander s'ils avaient aussi bien fait leur travail que les autres saisons.

« Oui, à l'automne, j'ai eu ce questionnement. Je me rappelle, je trouvais un gardien bon, mais je demandais si c'était lié à la perception sur vidéo. Même les jeunes dans leur patinage, tu avais parfois l'impression qu'ils avançaient plus vite ou moins vite. Bref, tu te demandes si tu vas identifier les bons éléments sur le joueur, c'est sûr que tu te questionnes. »

Considérant tous ces éléments, le prochain repêchage risque d'être très différent des autres encans, au point où les recruteurs redoutent plus que jamais que des joueurs aient échappé à leur attention.

« Je pense que les gars ont peur, et c'est normal, mais ça dépend des organisations. J'ai l'impression que ça ira mieux pour les équipes qui ont des recruteurs qui travaillent ensemble depuis longtemps. C'est plus facile de se fier à tes collègues et ça mène à moins de confrontations pour bâtir la liste cette année », a réagi un confrère qui s'est rendu aux États-Unis quelques semaines en respectant une quarantaine à son retour.

« C'est sûr qu'il va y avoir des surprises. Je pense surtout aux joueurs de l'Ontario qui n'ont pas joué. Un jeune va se faire repêcher, il va marquer 50 buts l'an prochain et on va tous dire, quel pick! C'est certain qu'on va dire qu'on a manqué tel et tel gars, mais c'est relié aux circonstances. Tout le monde est dans le même bateau », a ajouté un autre.

Une année enrichissante malgré tout

Malgré tout ce qu'ils ont vécu, les recruteurs sondés arrivent à trouver du positif dans cette expérience, et ils sont par-dessus tout contents que cette année soit terminée.

« Tout le monde a travaillé extrêmement fort. Ce n'est pas facile de toujours voyager, mais ç'a été plus difficile de faire notre travail cette année. [...] Ç'a été long et on a hâte que ça finisse. J'ai juste hâte que ça finisse pour qu'on puisse recommencer le prochain repêchage de façon un peu plus normale », a commenté un recruteur.

« Pour vrai, le seul positif, ç'a été vers mars 2020 et début avril, de prendre deux ou trois semaines pour se replacer. On fonce tout le temps à pleine vitesse et voit moins souvent la famille. De petits jeudi ou vendredi soirs en famille, ça n'existait pas vraiment. On a pu avoir de petits moments précieux en famille et on l'a pris du bon côté », a cerné un dépisteur.

« Mais si on parle seulement du côté hockey, zéro positif dans ça, rien! L'année nous a confirmé qu'il va toujours falloir se pointer dans l'aréna pour faire du recrutement. Même s'il y a eu une petite tendance à dire que ça pouvait se faire par vidéo et via les statistiques avancées. On l'a vécu, on oublie ce plan, ça ne marche pas. Pas pantoute! », a-t-il conclu.

Bref, ce repêchage, qui se déroulera les 23 et 24 juillet prochain, risque de nous causer bien des surprises, et ce, autant pour les amateurs que pour les professionnels du milieu. Cet encan pourrait donc être une vraie boule à surprise, tant il risque d'y avoir des choix qui seront considérés comme des «vols» dans quelques années.

« C'est sûr que tu te croises les doigts et tu espères que t'auras raison. On va le savoir à ce moment-là », a ainsi convenu un dernier dépisteur.

Source: RDS

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